Le port romain d’Antipolis : les fouilles du Pré-aux-Pêcheurs à Antibes
par Isabelle DAVEAU (Responsable de recherches archéologiques, INRAP Midi-Méditerranée)
Antipolis est l’un des comptoirs fondés par les Grecs de la ville de Massalia sur le littoral provençal. La date de cette fondation est encore incertaine. Elle succède à un habitat gaulois implanté sur les hauteurs de la ville. Occupant une position privilégiée au carrefour des routes maritimes et terrestres, la prospérité de la ville grecque puis romaine repose de fait sur le dynamisme de son commerce maritime et sur l’exploitation des ressources liées à la mer, en particulier les salaisons de poissons et la fabrication du garum.
En 1970, les travaux d’aménagement du Port Vauban ont causé la destruction des niveaux antiques immergés dans l’anse Saint-Roch. Des informations ont certes pu être sauvegardées grâce à l’activisme d’Henri Clergues qui supervisa les prospections subaquatiques et les sondages terrestres. Issues d’une discipline encore balbutiante, elles restent cependant parcellaires et imprécises. Au pied de la Courtine du Port, bâtie au XVIIIe s., définitivement gagné sur la mer au début du XXe s. seulement, le secteur du Pré aux Pêcheurs a été épargné par l’urbanisation moderne et contemporaine. Il constitue l’un des rares secteurs fossilisés du bassin à flot antique. Dans ce contexte, la fouille préventive réalisée en 2012 à l’occasion de la construction d’un parc de stationnement souterrain a offert la possibilité d’ouvrir une fenêtre de 5000 m² sur le port d’Antipolis.
Véritable dépotoir, le fond du port livre quantité d’objets : déchets rejetés depuis les bateaux au mouillage ou pièces de cargaison perdues lors des transbordements, ils nous renseignent sur la vie quotidienne des marins et sur le commerce maritime. Près de la rive, le secteur a également servi de décharge à la ville. Les matériaux provenant des berges témoignent des activités riveraines. Les couches de matériel se succèdent depuis la fin du Ve s. av. n. è. jusqu’au début du VIIe s. de n. è. Plusieurs dizaines de milliers d’objets de toutes sortes ont été recueillies et illustrent le dynamisme du port. Des marchandises en provenance de tout le pourtour du bassin méditerranéen ont coulé dans les eaux de l’anse Saint-Roch.
Les informations recueillies lors de la fouille de ces contextes nous renseignent également sur la morphologie du port antique et sur son fonctionnement. Ici, point de quai ou de ponton, mais une rade peu profonde aux berges en pente douce. L’anse, largement ouverte sur la mer, était déjà bien colmatée durant l’Antiquité avec, pour le IVe s. de n. è., une profondeur estimée à 4 m au centre. Cette configuration interdisait l’accès aux très gros porteurs, mais les navires de tonnage moyen, constituant l’essentiel de la flotte marchande, pouvaient se maintenir au mouillage par temps calme dans la partie centrale de l’anse. C’est d’ailleurs un bâtiment de ce type qui est venu s’échouer près du rivage vers le milieu du IIe s. de n. è. L’étude de l’épave permet de restituer un navire marchand long d’environ 23 m, mû à la voile et capable de naviguer en haute mer. Depuis les navires au mouillage, les marchandises étaient transbordées sur des bateaux d’allège, puis déchargées à terre sur de simples plages de débarquement. Ce type de fonctionnement, dont les conditions matérielles peuvent aujourd’hui nous paraître sommaires, était néanmoins partagé par de nombreux ports méditerranéens. Il prévaudra encore à Antibes jusqu’au XVIIe s., date à laquelle d’importants travaux de dragage conduiront à l’aménagement de la darse, à l’emplacement du Vieux Port actuel.
Le CHAAM propose des conférences (au musée de Terra Amata, à Nice) ainsi que des sorties archéologiques et ethnologiques mensuelles permettant de retrouver sur le terrain le patrimoine légué par nos ancêtres et les ve...
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